Fuyant les clichés, François Taverne ramène de ses périples non des portraits ou des paysages folkloriques mais des non-lieux. Des non-lieux beaux comme un jugement par manque de preuves. Des non-lieux, mais pas des no man’s land, des non-lieux riches de présence humaine ou comment l’homme s’adapte à son milieu : urbain, rural ou maritime. Architectures précaires qui peuvent faire penser à de l’art minimal, espaces glacés, portes closes et cabanons fermés, comme sortis de nulle part… L’être humain est absent, mais il vient de passer, il repassera ; les traces de son passage sont flagrantes. Son absence momentanée est l’instant décisif pour le clic figeant le temps ou comment le photographe est poète de l’interstice. L’absence fait pour lui office de présence.

À l’heure où les politiciens nous parlent de mondialisation, il est intéressant, de voir quel urbanisme et quelles architectures sont en place un peu partout, identiques. Et là, François Taverne et son œil géométrique transforme une centrale électrique en un maelström de droites coupées, un panneau de basket en icône new age, un parking en scène de crime sans coupable ni victime, un camion en un voyage possible. Tout devient sculpture in situ : de la banalité transfigurée.

Et n’oublions pas le ciel. L’horizon est bouché ou illimité, mais le ciel pèse. Nuageux ou découvert, il participe aussi de cette banalité où se réfugie la beauté... Dans ce foisonnement de milieux, il semble seul régir l’ambiance et être un espace illimité où tout devient possible.

Gilles Durand